5 ans d’études et 4 années d’expériences pro plus tard … pourquoi j’ai décidé de me reconvertir

5 ans d’études et 4 années d’expériences pro plus tard … pourquoi j’ai décidé de me reconvertir

Depuis quelques temps, les témoignages de reconversion sont partout. Des jeunes qui, souvent après un Bac +5, travaillent quelques années en entreprise, finissent par craquer car ce n’était absolument pas comme cela qu’ils imaginaient leurs vies et se reconvertissent. Ils sont nombreux ces jeunes qui de banquiers sont devenus boulangers, qui de juristes et sont devenus hypnothérapeutes ou qui travaillaient dans le marketing et se lancent dans une carrière de chanteur. J’en ai même rencontré quelques-uns.

Mon parcours ressemble aux leurs. Bonne élève, je me destinais (forcément) à la classe prépa. Deux années et une grippe H1N1 plus tard, je pars en licence d’éco. Mon master en marketing et gestion de projet en poche, les voiles de l’illusion tombent lors de mon premier job d’assistante commerciale dont je romps la période d’essai. Les CDD s’enchaînent, à Mâcon, à Marseille et à Paris. Des postes où j’ai pu faire mes armes en gestion de projet mais dans lesquels je ne me retrouvais pas et dans lesquels mon caractère de rebelle ne faisait pas l’unanimité. Des postes où mes premières réflexions sur le monde du travail ont germé face à des processus de décision toujours plus longs les uns que les autres, face aux “strates” hiérarchiques toujours plus nombreuses, face à certains aspects de mon travail que je commençais à trouver absurdes. Aujourd’hui, si je devais expliquer en une phrase à quoi globalement consistait mon job, je dirais que je passais mes journées à écrire des mails et des courriers et à les envoyer à des gens qui n’allaient jamais les lire. Oui c’est vraiment ce que je faisais la majeure partie de mon temps. Quel gâchis et quel temps perdu non ? Après avoir côtoyé le monde de la banque-assurance-mutuelle, je suis partie dans une start-up dans le sport car je pensais devoir changer de secteur pour m’épanouir. En plus ça tombait bien puisque je suis sportive. Très rapidement, les mêmes questions sont arrivées : quel est le sens de ce que je fais ? Je perdais la tête à lire des centaines de pages d’appels d’offres.

Je ne remercierai jamais assez le petit square qu’il y avait en face de mon bureau à ce moment-là. C’était le mois de mai, il faisait beau et ce square m’appelait. J’ai réalisé alors que je n’étais pas à ma place. Pourquoi est-ce que j’étais assise derrière un écran toute la journée alors que dehors, il faisait beau ? Pourquoi sur 52 semaines, on avait seulement 5 semaines de congés ? A quoi cela rimait-il de travailler 40, 50 ou 60 heures par semaine avec plus de 2h de trajet quotidien ? Ma vie devait-elle se résumer à cela ? Etais-je venue sur Terre pour ça ? Et puis je suis tombée sur la théorie des jobs à la con de David Graeber et j’ai compris que je n’étais pas seule, ouf !

Depuis septembre, je prends le temps, je prends du temps pour moi chose que jusqu’à présent je ne me permettais pas car dans cette société, l’épanouissement de soi est relégué au second (voire troisième) plan. Je vais vous poser une question : A qui mettez-vous le masque d’oxygène dans l’avion, à vous ou à votre conjoint/enfant ? Si vous ne pouvez plus respirer, il sera difficile de mettre un masque à l’être qui compte le plus pour vous, non ?

Cette période d’introspection m’a permis de me poser des questions que je ne m’étais jamais posées auparavant. Qu’est ce que j’aime, qu’est ce qui me fait vibrer, qu’est-ce-que je fais quand je ne vois pas le temps passer ? En fait des questions auxquelles on ne nous invite pas à réfléchir lors de notre parcours scolaire. Bonne élève est égal à classes prépa et puis c’est tout.

Dans cette société où le “tout, tout de suite” est devenu la norme, j’ai réalisé que nous allions droit dans un mur. Oui, je ne l’apprends à plus personne, le dérèglement climatique existe bel et bien, nous sommes en train de puiser des ressources finies pour assouvir un besoin de croissance que l’on a qualifiée d’infinie. En fait, ça ne marche pas, ça ne marche plus. La question n’est pas de savoir si la planète s’en remettra, elle le fera, elle en a vu d’autres même si cette fois il va lui falloir du temps. La question est de savoir si nous, l’espèce humaine, nous serons toujours là. Si ce combat n’est pas mené, à quoi servent les autres ?

Aujourd’hui, je cherche à apporter ma contribution dans cette transition écologique. Je cherche à donner du sens à ma vie tout en profitant ce cadeau merveilleux qu’il nous est donné de vivre chaque jour. Je me suis aperçue que quand je prenais soin de moi, je contribuais forcément à prendre soin de la planète. Par exemple, quand je choisis de consommer des aliments sains (bio ou raisonnés, locaux et de saison), je ne participe pas à l’agriculture intensive qui détruit nos sols, je ne participe pas aux émissions de CO2 des serres qui font pousser des fraises en hiver ou des avions qui transportent des champignons d’Argentine mais surtout, je ne donne pas à mon corps des aliments bourrés de pesticides dont les effets néfastes sur la santé ne sont plus à prouver.

Nous avons mis le travail au centre de nos vies sans nous poser de questions. Se souvient-on de la racine du mot, « tripalium » qui signifie torture ? Cela se passe de commentaires. A quoi cela sert-il de se rendre malade pour une présentation power point, pour des mails non envoyés ou auxquels on n’a pas répondu ? Ne nous trompons-nous pas de combat ? Oui, il faut travailler pour payer ses factures et avoir le minimum vital (un toit, de l’eau, du chauffage, de l’électricité et de quoi remplir le frigo). Sauf que nous sommes entrés dans un cercle vicieux sans nous en rendre compte : nous travaillons pour consommer, nous consommons donc il nous faut produire et pour produire nous devons travailler. Et dans notre société d’ultra-supra-méga-giga-consommation, comme nous sommes incités à consommer toujours plus, nous devons donc produire plus pour travailler plus et la boucle est sans fin.

Le changement de système n’est pas une option. Dans 50 ans ou plus, je pense que les générations futures parleront de nous ainsi : « Oh la la, quand je pense que ma grand-mère, elle travaillait cinquante heures par semaine, qu’elle avait que 5 semaines sur 52 pour se reposer et qu’en plus pour aller au travail, elle mettait plus de 2 heures par jour dans un genre de train, qu’on appelait le RER où il était très souvent impossible de respirer. Elle a oublié de vivre ou alors c’est la société qui lui a fait oublier ».

Je remercie ce petit espace de nature — nature à laquelle nous avons oublié que nous appartenions et contre laquelle il est vain de se battre et de se croire au-dessus d’elle — de m’avoir fait réaliser que je faisais fausse route.

Pour ma part, je me cherche toujours, j’ai des projets plein la tête et cette période de reconversion est la plus belle période que je me suis autorisée à vivre.

Dans cette société où tout va trop vite, ne faut-il pas prendre le temps de ralentir pour se trouver soi et prendre le temps de vivre ? Et en même ne faut-il pas passer la cinquième pour amorcer cette transition le plus vite possible ?

Article écrit le 20 juin 2019 et relayé dans le Monde Campus

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